Dr Laure Geisler : "Il n'y a pas qu'un seul moyen d'être un bon père..."
17 juin 2022 Pour les Nuls
Médecin généraliste, Laure Geisler est diplômée en « santé de la mère (et du père !) et de l’enfant » et a créé « Le cœur net », une chaîne de prévention et de vulgarisation en santé (également sur Instagram).
Elle a participé au livre "Devenir papa pour les nuls" aux côtés de Benjamin Muller (journaliste dans l’émission « La Maison des Maternelles » sur France 2), Adrien Gantois (sage-femme), Cristelle Kallmann et Dr Romuald Jean-Dit-Pannel (psychologue et psychothérapeute), qui répond sans tabou aux questions que se posent les (futurs) pères.
Elle nous explique, selon elle, ce que signifie être papa aujourd’hui dans une société en pleine évolution.
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1) Quelles sont les plus grandes inquiétudes des pères que vous constatez dans votre profession ?
Je constate dans mon travail que les pères montrent davantage leurs interrogations et leurs doutes qu'il y a une dizaine d'année.
À l'époque, ils osaient probablement moins du fait des injonctions sociétales.
Aujourd'hui ils posent des questions et ont plus besoin de comprendre pour accompagner, en prenant davantage d'initiatives concernant la vie familiale. Leurs inquiétudes témoignent d'un souci de bien faire : comment accompagner pendant la grossesse ou l'accouchement ?
Puis, les premiers gestes avec un bébé : comment ne pas le brusquer, bien faire pour ceci ou cela ?
Je les rassure systématiquement, il n'y a pas de question idiote. Si on se la pose, c'est faire preuve d'humilité et c'est plutôt bon signe. Néanmoins, ce sont toujours les mères qui consultent le plus. Les papas sont souvent là lors des premières consultations de suivi du bébé, puis cela s'essouffle.
2) On parle aujourd’hui de « paternité investie ». Comment cela s’incarne-t-il selon vous ?
La "paternité investie" est pour beaucoup un pléonasme, et heureusement !
Être père, c'est une sacrée mission, avec de sacrés enjeux, qu'on empoigne souvent à bras le corps, comme on peut.
Les pères investissent peut-être leur rôle différemment au fil des années : ils laissent par exemple les mères dormir pour assurer les biberons la nuit, ils cuisinent, ils tiennent la maison, participent aux choix éducatifs...
Je salue les pères qui œuvrent pour l'allongement du congé parental. C'est un réel moyen d'équilibrer la charge parentale, à un moment où les mères en ont tellement besoin! Il faut dire que la reprise du travail des pères impose d'emblée un déséquilibre. Cela fait donc partie des choses à travailler pour éviter les burn-out parentaux.
Aussi, les doubles-papas sont très majoritairement des papas ultra-investis, probablement aussi car l'arrivée d'un enfant dans une famille homosexuelle reste encore, hélas, si compliquée, que l'investissement a lieu des années en amont.
3) Grâce aux réseaux sociaux vous réalisez de la prévention et de la vulgarisation en santé. Quel est selon vous, le sujet encore tabou dont il faut « casser » les idées reçues ?
Les réseaux sociaux véhiculent malheureusement toujours l'image des mères et des pères parfait.e.s...
Mon travail est de vulgariser, mais aussi de déculpabiliser et de lutter contre ce perfectionnisme ambiant qui est ultra nuisible.
Car les idées reçues perdurent : les pères auraient moins le feeling que les mères, ils auraient moins la patience, ils seraient forcément impulsifs. A l'inverse, une mère serait forcément ultra câline, comprendrait tous les pleurs de son bébé...
Pourtant le sexisme est toujours là car on dirait une caricature des années 50 !
Heureusement les hommes se déconstruisent : ils laissent plus de place à la sensibilité, la fragilité.
4) En mot de la fin, quel est LE conseil que vous donneriez à un futur papa pour le rassurer sur cette grande aventure qui commence ?
Croyez en vous, en vos ressources !
Il n'y a pas un seul moyen d'être un bon père, les possibilités sont infinies et vous trouverez les vôtres.