Gérer les conflits de pouvoir et de rivalité en entreprise
19 juin 2019 COLLECTION POUR LES NULS
Les conflits peuvent générer des comportements nuisibles non seulement à la communication mais plus globalement à l’ambiance générale de travail et ont des conséquences en matière de coopération, voire de performance individuelle et collective.
Des facteurs de dysfonctionnement intrinsèques à toute organisation peuvent conduire à des tensions dont les conséquences sont susceptibles d’aboutir à des comportements individuels générant le conflit. Mais, au-delà, de nombreux facteurs structurels sont des accélérateurs qui facilitent l’émergence des différents types de conflit.
Les conflits de pouvoir et de rivalité
Le conflit de pouvoir prend naissance au croisement entre les aspirations individuelles et ce que l’environnement laisse envisager comme possible.
Si l’aspiration individuelle est le pouvoir pour le pouvoir, c’est-à-dire le désir d’être au-dessus des autres socialement et psychologiquement, cela conduit à adopter des comportements de domination tels que la volonté de l’emporter sur l’autre à tout prix, avoir toujours le dernier mot ou avoir toujours raison contre l’autre.
Même si ce type de comportement excessif existe de façon consciente et délibérée chez certains individus, les aspirations individuelles sont souvent, et heureusement, plus modérées. Pourtant, nous entendons régulièrement l’expression « lui, il veut être Calife à la place du Calife ».
Les facteurs des aspirations individuelles
Nous pouvons alors nous interroger sur les facteurs en jeu dans la réalisation de ces aspirations personnelles.
La compétence perçue par soi-même
Le premier facteur va être celui de la compétence perçue par soi-même. Si je me sens compétent parce que j’ai tel diplôme ou que je sors de telle école, ou que je connais telle activité parce que j’y ai travaillé pendant 5 ans, il risque d’émerger une forme de domination intrinsèque qui fera le lit d’un possible conflit.
La seule façon de sortir de ce type de situation conflictuelle est de revenir à une clarification des rôles de chacun au regard de la qualité de travail attendue. Si la complémentarité des contributions est explicite, il sera plus facile de comprendre quelles sont les compétences à mettre en œuvre par chaque contributeur. Le rôle du manager n’est sans doute pas d’améliorer la dimension technique d’un service de production, mais plutôt de potentialiser les expertises et compétences de ses collaborateurs pour que le résultat collectif aboutisse au meilleur produit possible.
Dans ce domaine, les directions ont un rôle clé à jouer. C’est à elles qu’incombe la responsabilité de définir clairement les périmètres… et de leur donner une légitimité. Elles doivent protéger la délégation de responsabilités de ceux qui s’en croient propriétaires.
L’interdépendance des rôles
Le second facteur, complémentaire du premier, est l’interdépendance des rôles dans les organisations. Quel que soit le secteur, nous sommes confrontés à des conflits de pouvoir entre les fonctions supports et les fonctions de production, avec les biais de perception associés à l’utilité de certaines fonctions proches de la direction qui peuvent générer du travail administratif complémentaire.
Or, le conflit principal ne se situe pas entre les fonctions, ni même les métiers, mais plutôt sur le rôle de chacun : d’un côté, ceux qui produisent (un service, un bien) et qui ont le pouvoir de mettre en acte la finalité même de la structure (ce pour quoi elle existe) ; de l’autre, ceux qui ont pour mission de gérer les ressources dont les premiers ont besoin pour donner un résultat collectif de qualité.
Pour que le système fonctionne, il y a la nécessité essentielle d’une coopération efficiente entre les différents services. Les uns sont allocataires de ressources et les autres expriment des exigences liées à la raison d’être de la structure et sont confrontés à la réalité des fournisseurs et des clients. Si la complémentarité des rôles de chaque contributeur ainsi que la valeur ajoutée de chacune de ces strates n’est pas claire, alors au niveau de chaque interface (entre directions, départements, services, collaborateurs) le risque de rapport de pouvoir est maximum, avec sa déclinaison en matière de conflits.
Pour éviter au maximum ce genre de conflit, il faut :
- D’une part, lors de la première réunion, exprimer ses besoins par rapport au résultat attendu et pas uniquement « donner des consignes » ce qui montrerai un rapport de pouvoir entre celui qui donne les consignes et celui qui les applique.
- D’autre part, dès que deux personnes ou entités doivent collaborer dans une relation « client-fournisseur », il est essentiel que le fournisseur soit exigeant en prenant le temps de discuter afin de comprendre ce que le client attend en termes de qualité afin d’éviter tout rapport de pouvoir ensuite.
La personnalité
Le troisième facteur relève plus de la personnalité des protagonistes.
Utiliser son statut social au sein de l’entreprise par excès est un des facteurs contribuant aux conflits d’autorité, voire parfois aux conflits de rivalités quand les personnes sont de même rang hiérarchique. C’est le cas classique des recrutements où, par exemple, un directeur commercial peut prendre la décision d’embaucher un collaborateur sans attendre l’aval de la direction des ressources humaines. En effet, même s’il y avait un accord préalable sur le principe d’une embauche, il peut y avoir perception d’empiétement de l’un sur les compétences de l’autre, avec risque élevé de conflit.
Ce type de situation est exacerbé dans les organisations dites matricielles, où un même acteur opérationnel aura deux donneurs d’ordres, l’un hiérarchique et l’autre fonctionnel. En général, l’acteur opérationnel est écartelé entre les rivalités de pouvoir, souvent issues de perceptions de territoires non clairement définis, et aura tendance à s’appuyer sur la qualité affective de la relation : « untel est sympa » devient le critère de gestion des priorités, et donc une grande source de conflit de pouvoir.
Cette forme de lutte de pouvoir entre dirigeants porte clairement atteinte aux intérêts de l’entreprise. La seule façon d’éviter ce type de conflit est, là encore, de prendre le temps de bien définir les compétences de chaque direction et d’en définir clairement les contours. L’intérêt, pas toujours conscient, de ce type de profil de dirigeant est justement d’entretenir du flou car cela leur permet de renforcer le pouvoir, d’où la nécessité de clarification préalable pour limiter ces effets.
L’intérêt personnel
Le dernier facteur à prendre en compte est celui de l’intérêt personnel, c’est-à-dire la prise en compte du risque sur ce qui peut être gagné ou perdu pour l’individu avant de s’engager dans une action. Cette approche conduit l’individu à privilégier toutes les voies envisageables pour assouvir son intérêt personnel quitte, parfois, à sacrifier certaines formes de pouvoir. Par exemple, dans une entreprise de services, si le dirigeant aspire à plus de signes de reconnaissance sociale, et donc à assouvir un intérêt personnel à être considéré socialement, il peut accepter des marchés qui mettent en péril l’équilibre économique de sa société. Comme l’enjeu principal se limite à la satisfaction de l’intérêt personnel, qu’il soit matériel (par exemple, la richesse) ou émotionnel (par exemple, la reconnaissance sociale, le prestige, le pouvoir), la gestion des situations à caractères conflictuels devient assez simple puisqu’il suffit de focaliser sur ce qui se joue.
Dès qu’un conflit d’intérêts émerge, au risque de renforcer un conflit de pouvoir, il est essentiel de prendre le temps de faire une sorte de liste entre les avantages et les inconvénients de chaque solution, pour permettre d’identifier les leviers qui renforcent l’intérêt personnel.
Maintenant vous savez repérer et comprendre les conflits de pouvoir et de rivalité.