Game of Thrones et la fantasy dynastique

15 janv. 2019 COLLECTION POUR LES NULS

 

 

 

 

 

 

 

L’extraordinaire succès du Trône de fer  de George R. R. Martin et de la série culte Games of Thrones  a défini un sous-genre d’œuvres que l’on pourrait à défaut classer dans la fantasy épique, mais qui se sont affranchies du modèle tolkienien pour proposer des récits complexes et violents, où le combat entre le Bien et le Mal est remplacé par une lutte pour le pouvoir opposant des protagonistes qui dans leur majorité ne sont ni vraiment bons, ni vraiment méchants. Le genre est caractérisé par :

  • Une multitude de personnages, qui prennent tour à tour le devant de la scène, sans forcément un héros prédominant ;
  • Une violence de cour, avec assassinats, complots, empoisonnements et meurtres surprises de personnages importants, à laquelle viennent s’ajouter d’immenses batailles ;
  • Un réalisme cru et la volonté d’ancrer l’histoire dans un monde cohérent, calqué sur les dures conditions de vie du Moyen Âge occidental ;
  • Une présence discrète de la fantasy et du merveilleux. La magie et les créatures fantastiques existent, mais elles ne sont pas essentielles au récit, dans lequel elles constituent un moyen d’action militaire ou politique
  • Les protagonistes de l’histoire sont des hommes et des femmes. Les peuples imaginaires, lorsqu’ils existent, étant le plus souvent secondaires ;
  • Les protagonistes de l’histoire sont de sang royal, qu’ils le sachent ou non.
  • Le récit contient un certain niveau de sexualité, plus ou moins explicite, correspondant aux mœurs du Moyen Âge ou de la Renaissance.

La fantasy épique des années 1970-1980, au début fortement marquée par l’héritage de Tolkien avait commencé à s’écarter de cette influence majeure pour se rapprocher d’une forme de récit à la fois plus réaliste, plus violente et plus ambiguë. Dans les années 1990, certains s’orientèrent vers une fantasy véritablement historique, d’autres vers une Histoire imaginaire, réinventée mais racontée comme si elle était réelle, et plaçant les guerres de succession au cœur de l’intrigue. Parmi cette nouvelle école, deux auteurs ont écrit des cycles d’une extraordinaire portée, qui constituent un tournant dans l’histoire de la fantasy : Robin Hobb avec L’Assassin royal  et George R. R. Martin avec Le Trône de fer. George R. R. Martin est l’auteur du plus grand cycle de fantasy publié depuis Le Seigneur des anneaux. Le Trône de fer  était déjà un immense succès de librairie avant d’être adapté pour la télévision, dans la fabuleuse série Game of Thrones, devenue un phénomène planétaire, dépassant largement le public habituel.

George Raymond Richard Martin

Il est né en 1948 dans le New Jersey. Il commence sa carrière d’écrivain dans les années 1970 avec des nouvelles et des romans de science-fiction et travaille comme scénariste sur des séries de fantastique comme The Twilight Zone, avant de publier en 1996 le premier tome du Trône de fer, prévu à l’origine pour être une trilogie, puis une tétralogie, puis finalement une saga de sept tomes (en version originale). Vu la longueur des textes, entre 700 et 1 200 pages, l’édition française fut publiée en plusieurs tomes, 15 à ce jour. Le succès commence à devenir exceptionnel à partir du quatrième tome A Feast for Crows (numéro un sur la liste des best-sellers du New York Times), puis devient un phénomène mondial en 2011 avec le succès planétaire de la série télé Game of Thrones. À ce jour, la saga, récompensée par les plus grands prix littéraires (dont le titre de Grand Maître du World Fantasy Award en 2012 pour Martin), s’est vendue à plus de soixante-dix millions d’exemplaires dans le monde. Vous connaissez forcément l’histoire du Trône de fer si vous lisez cet article. Sinon, foncez voir la série (de loin la meilleure série de fantasy jamais tournée), d’un abord beaucoup plus facile que les livres originaux.

Résumé

Pour en résumer l’intrigue, le continent de Westeros est composé de neuf royaumes, gouvernés par huit familles :

  • Le Nord, contrôlé par la maison Stark ;
  • Le Conflans, maison Tully ;
  • Les Îles de fer, maison Greyjoy ;
  • Le Val d’Arryn, maison Arryn ;
  • Les Terres de l’Ouest, maison Lannister ;
  • Les Terres de l’Orage, maison Barathéon ;
  • Le Bief, maison Tyrell ;
  • Les Terres de la Couronne, maison Barathéon ;
  • Dorne, maison Martell.

À cela s’ajoutent les Terres au-delà du Mur, peuplées de sauvageons et de morts-vivants (les Marcheurs Blancs), et le continent d’Esos, séparé de Westeros par la Mer Étroite, gouverné par des cités-états (Braavos, Pentos, Volantis, Meereen…) et parcouru par le peuple nomade des Dothrakis. Ces huit familles obéissent à un grand roi, dont le symbole du pouvoir est le Trône de fer qui donne son titre à la série. Conquis et unifié par la maison Targaryen aidée par trois dragons, le royaume échoit à la famille Barathéon après la rébellion de Robert Barathéon contre le roi fou Aerys II Targaryen. La mort de Robert Barathéon  (au profit des Lannister) et la montée en puissance de Daenerys Targaryen, héritière légitime du trône, déclenche les événements de la saga, principalement centrée sur trois axes :

  • L’évolution de Daenerys Targaryen ;
  • Les rapports de la famille Lannister, notamment Cersei, Jaime et Tyrion ;
  • Les aventures de Jon Snow, fils bâtard de Ned Stark.

Inspirations

Pour la trame des premiers livres de son cycle, George R. R. Martin a confié s’être inspiré des Rois maudits, de Maurice Druon, ainsi que d’une période spécifique de l’histoire britannique, la guerre des Deux-Roses, qui inspira largement Shakespeare dans sa tétralogie historique Henry IV, Henry V, Henry VI et Richard III A horse, a horse! My kingdom for a horse! »). Ce conflit opposa, entre 1450 et 1485, deux familles prétendantes au trône des Plantagenêt sur fond de guerre de Cent Ans : les York et les Lancastre. Entre batailles et assassinats, les deux familles s’entre-déchirèrent jusqu’à ce que les barons britanniques se rallient à un troisième parti, celui d’Henry Tudor. Les York deviennent les Stark, les Lancastre (prononcer Lancaster) sont les Lannister, la terrible Cersei évoque la non moins terrible Marguerite d’Anjou, épouse d’Henri VI de Lancastre, le roi fou, dont le fils Edouard est aussi cruel que Jeffrey. Quant à Henry Tudor, le prétendant exilé hors du royaume qui revient réclamer son trône, c’est le rôle dévolu à Daenerys Targaryen. Quant au gigantesque mur de glace qui protège le nord de Westeros des sauvageons et des abominations glacées qui menacent de déferler, c’est une évocation claire du mur d’Hadrien, construit par les Romains à la frontière écossaise en 122 pour protéger la province de Brittania des Pictes (ou de la Grande Muraille qui jouait le même rôle en Chine contre les Mongols).

Une saga politique

Chez George R. R. Martin, les éléments de fantasy – la magie, les Marcheurs Blancs, les dragons, les géants… – sont en fin de compte secondaires. Les meurtres commis par magie pourraient l’être par des assassins « normaux », les dragons sont une arme au même titre qu’une puissante armée, les Marcheurs Blancs et leur armée de morts-vivants sont une menace diffuse (même si le titre anglais A Song of Ice and Fire – une chanson de glace et de feu – suggère un affrontement final entre les zombies de glace et les dragons crachant le feu). Ce qui fait l’extraordinaire attrait de cette saga (plus que le style de Gorge R. R. Martin qui est ce qu’il est), c’est incontestablement le jeu politique d’alliances et de trahisons entre des dizaines de personnages qui, tous, ont leur part d’ombre et de lumière. Après Fire and Blood (2018), qui revient dans le passé pour des révélations sur l’histoire des Targaryens, nul ne sait comment s’achèvera Le Trône de fer, dont deux derniers tomes sont annoncés, The Winds of Winter en 2019 et A Dream of Spring  qui devrait conclure la saga… Ni quels personnages auront survécu jusqu’au point final.

 Une série culte 

À partir de 2011, la diffusion de la série Game of Thrones, de David Benioff et D. B. Weiss (qui sont aussi les scénaristes-adaptateurs de la plupart des épisodes), a donné à la saga de Martin une audience mondiale – la série est entrée dans le Livre des records  en 2015 pour être diffusée dans 173 pays ! – et fait exploser les ventes de ses ouvrages. Une série exceptionnelle, crue, audacieuse, intelligente, violente, d’un abord beaucoup plus facile que les livres originaux parfois longs (notamment à partir de A Feast for Crows). D’une qualité jusque-là jamais atteinte pour une série de télévision, en ce qui concerne à la fois l’interprétation et la réalisation, mais aussi les costumes, les décors, le nombre incroyable de lieux de tournage, ainsi que la musique et même le générique, Game of Thrones  est devenu la série la plus chère de l’histoire, avec des budgets moyens de 100 millions de dollars par saison, mais aussi la plus grande réussite visuelle en matière de fantasy depuis Le Seigneur des anneaux  de Peter Jackson. Huit saisons ont été tournées, pour un total à ce jour de 67 épisodes, d’une durée de 45 à 90 minutes, ce qui fait quelques bonnes journées pour tout visionner. À la fin de la huitième saison, comptant seulement six épisodes, mais chacun d’une durée de 90 minutes (l’équivalent de six films !), la série aura battu tous les records d’audience et restera quoiqu’il arrive comme un monument de la fantasy.

Les livres

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