La fondation de Rome et celle de l’Empire romain : la légende de Romulus et Rémus

15 janv. 2020 Pour les Nuls

Romulus et Rémus, tout commence avec ce couple fraternel, dont les débuts dans l’existence sont très émouvants. Le projet d’une fondation de Rome, hélas, les divisa cruellement. On préfère en général les représenter enfants, nourris par la louve maternelle qui, elle aussi, est devenue un emblème de Rome.

La louve et les jumeaux

Romulus et Rémus apparaissent d’abord comme des enfants perdus, des enfants trouvés au bord d’un fleuve, le Tibre, par un berger qui faisait paître ses troupeaux dans un pré. Mais un signe pouvait déjà laisser deviner qu’ils auraient un destin exceptionnel. Ils étaient nourris par une louve, qui les entourait de toute l’affection qui leur manquait.

Romulus et Rémus avaient en effet été privés de tendresse maternelle dès leur naissance par leur grand-oncle, Amulius qui, après être parvenu à supplanter son frère aîné, Numitor, et à devenir le roi de la ville d’Albe, avait puni leur mère, Rhéa Silvia, la fille de Numitor, en lui enlevant ses deux enfants pour s’en débarrasser, tant il craignait que l’un d’eux ne lui ravît le pouvoir. Heureusement, l’homme chargé de tuer les deux bébés les avait pris en pitié et s’était contenté de les abandonner auprès du fleuve où la louve les avait trouvés.

Rhéa Silvia était devenue une vestale, donc une prêtresse de la déesse Vesta, et comme telle elle aurait dû respecter la règle de la chasteté. Mais, un jour, lui était apparu un très beau jeune homme. Elle avait compris que c’était un dieu, le dieu Mars, et c’est de leurs amours interdites qu’étaient nés Romulus et Rémus. Le roi Amulius, lui, dut se soumettre à la loi du Destin, contre lequel il avait farouchement lutté : sa cruauté fut contrecarrée par la charité d’une louve salvatrice, l’animal consacré à Mars.

La jeunesse de Romulus et Rémus

Les deux enfants grandirent, mais furent tenus à l’écart et élevés par un couple de serviteurs, Faustulus et Laurentia. Ils devinrent de grands et beaux jeunes hommes et finirent par découvrir qu’ils étaient les fils d’une princesse, Rhéa Silvia, dont le nom associait une divinité de la Terre, Rhéa, la mère de Zeus (Jupiter), et celui de la forêt (silva en latin), où la louve les avait abrités.

Le jour se fit sur leur véritable identité à la suite de longues querelles qui aboutirent à la mort d’Amulius, qui fut assassiné. Numitor reprit le pouvoir dont il avait été dépossédé par son frère cadet. Romulus et Rémus purent enfin connaître leur mère humaine, Rhéa Silvia. Numitor était prêt à leur céder le pouvoir, mais ils refusèrent le trône d’Albe, car ils ne pouvaient vivre qu’au bord du Tibre et désiraient y fonder une nouvelle cité.

L’augure des douze vautours

Le site choisi fut celui de la future Rome. Mais les deux frères étaient en désaccord sur un point. Romulus voulait la construire tout près du fleuve, sur un terrain plat ; Rémus préférait l’une des sept collines, l’Aventin, d’où l’on aurait une superbe vue sur le Tibre. Ils décidèrent, pour se départager, d’examiner le vol des vautours dans le ciel à une certaine heure du jour. Celui qui verrait le plus grand nombre l’emporterait. Mais Romulus, à l’issue d’une violente querelle, tua Rémus et commença sans plus tarder le tracé de la ville qui devait porter son nom.

Loin de négliger les collines, Romulus adopta d’abord le Palatin, puis le Capitole, qui fut un lieu d’asile pour une population venue de toutes parts. Ceux qu’on appela les Bras-Forts se chargèrent des lourds travaux.

L’enlèvement des Sabines

Comme il n’y avait pas, ou pas assez, de femmes, le nouveau roi – Romulus – eut recours à l’enlèvement des Sabines, des jeunes filles et même une femme mariée d’un peuple voisin. Une guerre s’ensuivit, avec à sa tête Titus Tatius, le roi des Sabins.

Les Sabins l’auraient emporté si, à l’approche du Capitole, le dieu Janus n’avait fait jaillir les eaux d’une source brûlante qui leur coupèrent la route. Ils reculèrent, puis repartirent à l’assaut. Leurs femmes se mirent à genoux en les suppliant de cesser le combat. C’est alors que Jupiter lui-même intervint, Romulus lui ayant promis de lui élever un temple s’il accordait la victoire aux Romains. Le roi des dieux, après avoir exaucé la prière du fondateur de Rome, fut honoré par la construction du temple de Jupiter Capitolin, ou Jupiter Stator, celui qui arrête le combat.

Le règne de Romulus

Un traité d’alliance fut signé entre Romulus et le roi des Sabins, Tatius. Quand ce dernier mourut, la fusion des deux peuples fut effective et Romulus demeura seul à leur tête. Il alla encore plus loin, entérinant l’union entre plusieurs peuples et faisant parallèlement sceller une pierre symbolique par quatre hommes : un Etrusque, un Samnite, un Italique et un Latin. Autour de cette pierre fut creusé un sillon, appelé « Le Monde ». Déjà Rome devait donc être considérée comme le centre du monde !

Suivant les conseils de Numitor, son grand-père, le roi d’Albe qui était toujours en vie, le jeune Romulus créa des lois. Bientôt, c’est lui qui allait devenir le Grand Roi, Jupiter ayant fait briller dans le ciel un puissant éclair qui fut interprété comme le signe de son consentement. Il divisa le peuple de ce qui était désormais appelé « les Romains » en trois grands groupes, avec à la tête de chacun un tribun, chacun des groupes contenant dix curies, dirigées par les curions. Il opéra aussi la distinction entre les patriciens, les plus riches, et les plébéiens auxquels furent confiés l’agriculture et l’artisanat. Chaque patricien était le patron de plusieurs plébéiens. Le roi lui-même s’appuyait, pour prendre les décisions importantes, sur le Sénat, constitué de patriciens éminents.

La mort de Romulus

Tout cela ne se déroulait pas sans conflits, sans guerres même, et la peste, au sens large du terme, ravagea Rome comme autrefois elle avait ravagé Thèbes. Tant il est vrai que l’histoire romaine a parfois des allures d’histoire grecque recommencée. C’est au cours d’une nouvelle guerre, contre la ville étrusque de Véies, proche de Rome cette fois, que Romulus disparut dans le ciel soudainement obscurci. Est-ce que le dieu Mars avait voulu reprendre son fils ? En tout cas, il eut un sort analogue à celui des grands héros fils de dieux, et il fut considéré lui-même comme un dieu par les Romains reconnaissants qui continuèrent à porter son nom.

A une date relativement tardive (vers le III° siècle av. J.-C.) se fixe une tradition peut-être plus ancienne selon laquelle Romulus, après sa mort, aurait connu l’apothéose. Il a alors été assimilé au dieu romain Quirinus, révéré par les habitants du Quirinal, une des sept collines de Rome, mais considéré, plus largement, comme celui qui patronnait l’organisation politique des Romains, Cette assimilation a pu être interprétée par Georges Dumézil (1898-1986), professeur au Collège de France et membre de l’Académie française, dans son livre Jupiter, Mars, Quirinus (Gallimard, 1941) comme l’alliance de la guerre et de la paix, de Romulus fils de Mars, le dieu de la guerre, et de Quirinus, dieu des Quirites, c’est-à-dire des citoyens aspirant à la paix.

 

L'AUTEUR

Pierre BRUNEL

Pierre Brunel est professeur émérite de littérature comparée à la...

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