Fiche d'actualité : Etre noir dans les USA de Trump

25 avril 2019 COLLECTION POUR LES NULS

À l’autre bout du monde, plus de cinquante ans après l’assassinat de Martin Luther King, dix ans après l’élection de Barack Obama, les fractures raciales continuent de diviser.

La communauté noire, représentant 12,3 % de la population contre 63,7 % pour les Blancs et 16,7 % pour les Hispaniques, souffre de discriminations. C'est une véritable crise de vivre ensemble.

 

Des inégalités persistantes

Lors du mouvement pour l’émancipation des Noirs des années 1960, de grandes lois d’égalité ont été votées afin d’assurer l’intégration de la communauté noire.

Par le Civil Rights Act de 1964, la discrimination dans les bâtiments publics, l’emploi et les écoles est illégale. Le Voting Rights Act de 1965 renforce le droit de vote des minorités.

Ou encore, le Fair Housing Act de 1968 permet la condamnation des discriminations en matière de logement. La discrimination positive (affirmative action) devait en outre permettre de gommer ces inégalités.

Néanmoins, cinq décennies plus tard, force est de constater que les inégalités persistent. En matière d’espérance de vie, l’écart entre les Blancs et les Noirs reste de 3,4 ans au détriment des seconds. Le revenu médian annuel entre les deux communautés a tendance à se creuser ; il est aujourd’hui de 28 000 dollars de moins pour les Noirs (43 300 dollars contre 71 300 dollars).

Le taux de chômage reste deux fois supérieur (7,5 % pour les Noirs contre 3,8 % pour les Blancs). La ségrégation résidentielle existe toujours ; 45 % des enfants noirs vivent dans des quartiers de forte concentration de la pauvreté contre 12 % des enfants blancs.

Au niveau éducatif, 40 % des Blancs obtiennent le premier grade universitaire contre 20 % des Noirs.

 

Beyoncé à l’université (à méditer)

 

La reine de la pop n’a pas décidé de reprendre – ou plutôt de commencer – ses études, mais elle est devenue elle-même un objet d’étude. Un musicologue norvégien a en effet proposé d’étudier le black feminism à travers un cours intitulé « Beyoncé : genre et race » dispensée au département d’études des arts et de la culture de l’université de Copenhague.

75 élèves ont été attirés par ce cours contre une quarantaine habituellement. L’artiste américaine y a été disséquée au titre de l’intersectionnalité, la convergence de plusieurs types de discriminations; elle est notamment apparue comme égérie des Blacks Panthers au Super Bowl de 2016 ou comme déesse africaine lors des Grammy Awards.

Après l’université, Beyoncé s’est fait remarquer au Musée du Louvre, en tournant avec Jay-Z un clip pour leur titre Apeshit. Ce clip, rapidement devenu viral avec 50 millions de vues en une semaine, multiplie les références culturelles pour promouvoir les droits des femmes et dénoncer l’esclavage.

 

 

Black Lives Matter

 

« Les vies noires comptent aussi », c’est ce qu’affirme ce mouvement né en 2013 après l’acquittement du responsable d’un coup de feu mortel contre un adolescent noir, Trayvon Martin, en Floride.

Reprenant les stratégies de mobilisation adoptée par le mouvement anticapitaliste Occupy Wall Street de 2011, le mouvement Black Lives Matter est né de la colère contre la complaisance envers les bavures policières commises à l’encontre des Noirs.

Martin Luther King dénonçait déjà en 1968 la brutalité policière. Les statistiques montrent qu’elles restent largement d’actualité. Alors qu'ils eprésentent 12,3 % de la population totale, 23 % des personnes tuées par la police américaine en 2017 étaient noires.

À crime égal, les peines reçues par les hommes noirs en comparaison avec les hommes blancs durent 19,1 % plus longtemps. Un homme noir a six fois plus de chances de se retrouver en prison qu’un homme blanc.

La chronique judiciaire est régulièrement alimentée par les bavures policières. L’histoire semble se répéter : de jeunes noirs sont assassinés à tort par des policiers armés. À la suite d’une enquête, les policiers sont acquittés et réintégrés dans leur corps d’origine.

En 2017, l’acquittement du policier jugé pour la mort du jeune noir, Anthony Lamar Smith, en décembre 2011 a provoqué des troubles dans le Missouri, où est né le mouvement Black Lives Matter.

L’année suivante, les deux policiers impliqués dans l’homicide d’Alton Sterling à Baton Rouge (Louisiane) en 2016 ne sont pas poursuivis à la suite d’un non-lieu ; la victime avait pourtant été tuée de plusieurs balles alors que les policiers la maintenaient au sol.

En mars 2018, un jeune père de famille noir de 22 ans a été abattu à Sacramento (Californie). Les agents de police ont tiré vingt balles pour arrêter ce fugitif dont ils pensaient qu’il était équipé d’une arme à feu qui s’est révélée être un téléphone portable.

En mai 2018, un jury de Floride a accordé quatre dollars de dommages et intérêts à la famille d’un noir tué à travers sa porte de garage en 2014 alors que son voisin se plaignait d’une musique trop forte.

 

Couleur café

Le 29 mai 2018, les amateurs de la chaîne américaine Starbucks ont trouvé porte close devant l’intégralité des 8 000 établissements de l’enseigne aux États-Unis. Les personnels étaient en effet occupés à une formation consacrée au racisme.

Cette décision a été prise à la suite d’une polémique née de l’arrestation de deux personnes noires dans un des cafés de la marque. La scène filmée par un téléphone portable de cette arrestation
arbitraire par la police répondant à l’appel du personnel du magasin a suscité une vive émotion et un appel au boycott.

Pour soigner son image, l’enseigne a décidé de former tout son personnel actuel et d’ajouter ce dispositif aux processus d’intégration des nouveaux employés.

 

La guerre des mémoires

 

Le combat racial prend également une dimension mémorielle à travers le débat sur la statuaire publique aux États-Unis, comme l’a rappelé la mort de la militante antiraciste Heather Heyer en août 2017 à Charlottesville (Virginie), renversée par le véhicule d’un militant néonazi.

Le réalisateur Spike Lee a d’ailleurs choisi de faire de cet épisode l’épilogue de son film BlacKkKlansman, sorti en août 2018. Au travers de l’histoire vraie d’un policier afro-américain du Colorado qui a infiltré le Ku Klux Klan en 1979, ce film récompensé par le Grand Prix du jury à Cannes témoigne ainsi de la persistance de la menace suprématiste.

La lutte mémorielle se cristallise aujourd’hui autour de la statuaire publique de la guerre de Sécession. Omniprésents dans les États du Sud, les monuments à la gloire des généraux sudistes ont été pour la plupart érigés bien après la fin de la guerre qui a opposé entre 1861 et 1865 l’armée des États du Sud à celle du Nord autour de la question de l’esclavage.

Ils sont souvent le fait des militants de « la Cause perdue », idéalisant la lutte des confédérés pour la défense de l’esclavage, au cours du xxe siècle.

À Charlottesville, la statue du général Lee, général en chef des sudistes, a ainsi été érigée en 1924, 54 ans après la mort du militaire, par une association de vétérans nostalgiques du temps de l’esclavage. Elle est donc un symbole révisionniste que veulent voir disparaître les militants antiracistes même si elle continue de trôner dans le parc qui porte son nom alors que d’autres villes américaines ont choisi de déplacer certaines statues, voire de les faire disparaître.                     

En Alabama, un mémorial a été érigé à Montgomery pour honorer la mémoire des 4 400 Afro-américains pendus ou lynchés dans les États du Sud. Inauguré en avril 2018, ce monument entend dénoncer les discriminations raciales d’hier et d’aujourd’hui.

 

50 nuances de blanc

 

La Maison-Blanche a été accusée par les médias américains de faire la promotion d’une Amérique blanche. La photographie officielle des stagiaires de 2018 s’est en effet distinguée par la monochromie des figurants. Sur la centaine d’étudiants réunis autour du président Donald Trump, les jeunes issus de la diversité sont très peu nombreux.

Les promotions de stagiaires sous la présidence Obama affichaient une image beaucoup plus représentative des États-Unis, ce qui a conduit la journaliste américaine Victoria Brownworth à détourner le slogan de campagne de Donald Trump en Trump : Making America segregated again (« Trump : rendre l’Amérique ségréguée à nouveau »).

 

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