Qu’est-ce que l’écoféminisme ?

13 déc. 2019 Pour les Nuls

Peut-être n’avez-vous jamais entendu ou lu ce terme : “écoféminisme” ? Quel rapport entre écologie et féminisme ? Historiquement, les féministes ont plutôt eu tendance à rejeter tout rapprochement entre la “femme” et la “terre mère”, compte tenu du risque élevé de naturaliser une “essence féminine”.

Pourtant, l’écoféminisme permet d’envisager une réelle convergence des luttes entre les enjeux écologistes et féministes. De nombreux courants et approches se développent actuellement en France : l’écoféminisme suscite désormais plus d’intérêt que de défiance.

Qu’est-ce que l’écoféminisme ?

L’écoféminisme est un mouvement politique de lutte contre le capitalisme, l’exploitation à outrance des ressources naturelles et le patriarcat, montrant que ces systèmes d’oppression ont des effets délétères à la fois sur l’environnement et sur les femmes.

Les origines de l’écoféminisme

De nombreuses femmes à travers le monde ont, depuis des décennies, lié la défense de la planète et la lutte contre un système patriarcal et néolibéral. L’écoféminisme, mouvement d’idées et d’actions, trouve son origine aux Etats-Unis à la fin des années 1970, dans un contexte de mobilisations contre l’énergie nucléaire et pour la paix. Il connaîtra une seconde jeunesse et un nouvel essor dans les années 1990, grâce notamment aux différentes traductions de l’ouvrage devenu LA référence : Ecoféminisme, écrit à quatre mains par l’Indienne Vandana Shiva et l’Allemande Maria Mies (1993).

Vandana Shiva est née en Inde en 1952. Surnommée la « rock star anti-OGM », elle est une des figures emblématiques du mouvement écoféministe : pour la biodiversité, les droits des peuples autochtones et les droits des femmes. Elle a reçu le Prix Nobel alternatif en 1993, « pour avoir placé les femmes et l’écologie au cœur du discours sur le développement moderne ».

Cocorico ! Le terme « écoféminisme » apparaît pour la première fois en 1974 dans le livre Le féminisme ou la Mort de la Française Françoise d’Eaubonne, pionnière du mouvement. Pourtant, les théories écoféministes ont mis beaucoup de temps à se diffuser en France, comparativement aux Etats-Unis ou aux pays dits « du Sud ». Encore aujourd’hui, les travaux de Françoise d’Eaubonne (1920 – 2005) sont très peu connus. Cette autrice, militante et intellectuelle française avait à la fois une activité littéraire très prolixe (plus de cent livres publiés au cours de sa vie) et un engagement militant sur tous les fronts : soutien du Parti communiste et de la Résistance, opposante à la guerre d’Algérie en 1960, elle sera également présente dès les débuts du Mouvement de libération des femmes, au sein duquel elle anime le groupe « Ecologie et féminisme ». Elle est également co-fondatrice du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) en 1971.

Parmi les icônes de l’écoféminisme, on peut également citer Erin Brokovich. Elevant seule ses trois enfants, elle découvre que l’eau potable de sa ville en Californie est polluée par la faute d’une grande compagnie, ce qui a des conséquences graves sur la santé des habitant.e.s. Autodidacte, elle décide de mener l’enquête et d’attaquer l’entreprise en justice. Seule contre tou.te.s, elle doit tenir tête au sexisme et au paternalisme et permet aux malades d’obtenir un dédommagement historique. L’histoire de cette femme, devenue militante écologiste a été mise en image par Steven Soderbergh dans un film qui porte son nom en 2000.

 

« Ni les femmes ni la Terre ne sont des territoires de conquêtes »

Pour les écoféministes, l’exploitation destructrice de la nature et l’exploitation des femmes (de leurs corps, de leur fonction reproductive, de leur sexualité et de leur travail) sont liées. L’écoféminisme pourrait être résumé par ces quelques postulats :

  • Il existe un parallèle entre l’exploitation de la Terre par les humains et l’exploitation du travail domestique et reproductif des femmes par les hommes : la même soif de dominer l’autre et une exacerbation de l’ego. Pour rappel : dans le monde, les femmes effectuent les deux-tiers du nombre d’heures de travail (travail domestique et travail rémunéré), produisent plus de la moitié des aliments, mais elles ne gagnent que 10% du revenu total et possèdent moins de 2% des terres selon ONU Femmes.
  • L’idéal économique de la croissance capitaliste s’appuie sur des valeurs virilistes et conquérantes et se fait au détriment des ressources naturelles et des personnes exploitées sur toute la planète.
  • Le travail productif, tel qu’il est conçu dans les sociétés industrielles, repose sur une vision biaisée du travail qui nie l’apport, tant social qu’économique (puisqu’il est effectué gratuitement), du travail domestique et de toutes les tâches liées aux soins des autres. Tâches encore très largement déléguées aux femmes.

 

Les manifestations écoféministes

Les grandes manifestation écoféministes se caractérisent par leur côté festif et très démonstratif. Un des plus grands rassemblements écoféministes – le Women’s Pentagon Action – a eu lieu le 17 novembre 1980, à Arlington (Virginie). Deux mille femmes encerclent de laine le Pentagone en tant que symbole de la puissance impériale et militaire, en se donnant la main, en criant, en chantant et en lançant des sorts au Pentagone. 140 femmes sont arrêtées par la police.

Un an plus tard, 36 femmes habillées en violet et blanc en référence aux suffragistes britanniques organisent une marche jusqu’à la base Royal Air Force de Greenham Common en Angleterre pour protester contre l’installation de missiles nucléaires. Elles s’enchaînent aux grilles et réclament un débat à la télévision avec le ministre de la Défense. Leur demande est rejetée. Elles vont s’installer sur place et débuter l’un des plus longs campements de protestation pacifique : de 1981 jusqu’à son démantèlement… en 2000 !

Lors de la « Marche du siècle » pour le climat qui s’est tenue le 16 mars 2019 en France, de nombreux slogans écoféministes ont également fleuri sur les pancartes, souvent avec humour. Extraits : « Pubis et forêt : arrêtons de tout raser », « Le climat, c’est comme nos clitos : faites-en votre prio ! », « Tuons le patriarcat, pas la planète ! », « + de clito, - de glypho » ou encore « Ni les femmes ni la terre ne sont des territoires de conquêtes ».

Avant la « Marche du siècle », plusieurs événements marquants avaient mis en lumière en France le lien entre écologie et féminisme, notamment lors de la COP21 qui s’est tenue à Paris en décembre 2015 :

  • Un important colloque sur le thème « Care, genre et environnement », organisé à l’université de Lyon 3 en septembre.
  • La rencontre « Femmes et environnement » organisée au Grand Palais par la Fondation Raja-Danièle Marcovici avait réuni plus de 250 personnes, en présence notamment de Vandana Shiva. Il a eu lieu le jour du « Gender day » organisé dans le cadre de la COP21.
  • L’appel « Femmes et climat » lancé par plusieurs institutions et associations, encouragait les Etats à s’engager politiquement et financièrement en faveur de l’égalité femmes-hommes et à prendre pleinement en compte le rôle des femmes dans les négociations de la COP21. Parmi les 100 premier.e.s signataires, on compte notamment le généticien Axel Kahn, la maire de Paris Anne Hidalgo ou encore l’actrice Marion Cotillard.

 

Peut-on être féministe et manger de la viande ?

 

C’est la question que pose la journaliste Nora Bouazzouni dans son livre Faiminisme, paru en 2017. Elle y montre les imbrications entre l’alimentation (et ses conditions de production) et les rapports entre les femmes et les hommes.

Pourquoi les hommes sont-ils encouragés à manger plus, et surtout de la viande ? Comment et par qui est produite notre alimentation ? Pourquoi dit-on parfois que les femmes sont présentées comme « des bouts de viande » sur les publicités ? Qui cuisine à la maison et qui reçoit des étoiles Michelin ? Nora Bouazzouni montre qu’aucun sujet n’est épargné par la lecture féministe, et notamment nos assiettes !

 

La différence historique d’accès à la nourriture entre les femmes et les hommes pourrait expliquer la différence de taille entre les femmes et les hommes, selon la chercheuse Priscille Touraille. Cette thèse est développée dans le documentaire réalisé en 2013 par Véronique Kleiner « Pourquoi les femmes sont-elles plus petites que les hommes ? ».

 

De plus en plus de féministes et d’écologistes militant.e.s de la cause animale font le lien entre le féminisme, l’anti-spécisme (le fait de considérer que les humains ne sont pas une espèce supérieure aux animaux) et l’animalisme (qui défend les droits des animaux).

Cette fusion de différents combats politiques jusqu’alors distincts se retrouve dans le mot « femellisme », issu de la contraction de « féminisme » et « animalisme ». Les femellistes établissent un parallèle entre l’oppression et l’exploitation des femmes et celle des animaux (et notamment des femelles) opérées essentiellement par les hommes.

 

Pour en savoir plus sur les autres courants du féminisme, plongez-vous dans Le féminisme pour les nul.le.s.

Le Féminisme pour les Nul.le.s

Qu'on s'en revendique ou qu'on s'en méfie, le féminisme est aujourd'hui sur toutes les lèvres. Il es...

L'AUTEUR

Margaux COLLET

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