Les dix règles d’or de l’investissement boursier

05 févr. 2020 Pour les Nuls

S’il suffisait d’appliquer mécaniquement des recettes apprises dans un livre pour gagner en Bourse, cela se saurait. D’ailleurs, il n’y a pas de recettes. Deux seules choses comptent : d’abord, comprendre comment ça marche, ensuite, se lancer et faire son apprentissage concrètement, sur le terrain. Rien ne remplace l’expérience vécue. 
Il existe tout de même des règles qu’il vaut mieux observer et garder en mémoire. 

Bien passer ses ordres

Cela peut vous paraître ridicule, tellement c’est évident. En plus, cela paraît très simple : quand on passe ses ordres par Internet, des cases vides apparaissent sur l’écran : il suffit de les remplir. Ensuite s’affichent un récapitulatif de toutes les indications données et une demande de confirmation. Comment peut-on se tromper ? Pourtant, les erreurs grossières ne sont pas rares. Tous les courtiers vous raconteront qu’il leur arrive de voir des choses aberrantes, y compris de la part de la professionnels, peut-être trop pressés ou trop confiants en eux-mêmes. Citons l’exemple d’un gérant qui était satisfait de voir une valeur monter parce qu’il était persuadé de l’avoir en portefeuille ; or, il avait acheté une autre valeur, au nom très voisin, qui connaissait, elle, une évolution beaucoup moins favorable… Il y a eu aussi dans les dernières années l’exemple fameux d’un professionnel japonais qui avait mélangé les chiffres et s’était retrouvé acheteur de plus d’actions d’une société qu’il n’y en avait sur le marché ; comme en plus il proposait un prix très avantageux, tout le monde s’était empressé de lui vendre ses titres !

Même si cela vous paraît stupide, vérifiez attentivement tous vos ordres : le nom de la valeur, le code des titres concernés, le sens de l’opération (achat ou vente), comptant ou SRD, le type d’ordre et, le cas échéant, les limites ou les seuils de cours, la durée de validité de l’ordre. En cas d’erreur ou de changement d’avis, il est possible de modifier ou de supprimer un ordre pour les valeurs cotées en continu, mais encore faut-il arriver à temps, avant qu’il n’ait été exécuté totalement ou partiellement. Pour les valeurs qui sont cotées au fixing, les ordres arrivés dans la demi-heure qui le précède sont considérés comme définitifs. Mieux vaut donc ne pas se tromper.

Quant au type d’ordre choisi, vérifiez bien qu’il s’agit du plus adapté à vos besoins. Les ordres à cours limité, par exemple, s’imposent pour les valeurs à marché étroit ou sur des marchés nerveux susceptibles d’enregistrer de très fortes variations en quelques minutes. Mais n’oubliez pas qu’ils peuvent être exécutés de façon fractionnée, voire ne pas être exécutés du tout, alors que l’ordre au marché vous assure une exécution totale et sans grands risques sur un marché liquide.

Beaucoup de règles dépendent de votre style de gestion. Si vous multipliez les allers et retours en essayant de profiter au mieux de variations même modestes du marché, le choix des bonnes limites est fondamental. Si vous achetez des titres dans une optique de moyen ou de long terme, c’est le choix du moment pour acheter ou vendre qui est important, pas le deuxième chiffre après la virgule de votre cours limite. Ne méprisez pas l’ordre au marché sous prétexte qu’il n’est pas très professionnel.

Et, de toute façon, n’oubliez jamais de regarder le carnet d’ordres avant de passer le vôtre.

Diversifier son portefeuille sans l’éparpiller

C’est un point acquis : il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier et trop concentrer son portefeuille sur quelques valeurs. Quand on démarre, que son portefeuille est encore modeste avec un nombre forcément limité de lignes, il faut absolument éviter d’avoir des actions présentant des caractéristiques trop voisines : uniquement des valeurs de haute technologie, des banques, etc. Pour autant, il ne faut pas tomber dans l’excès inverse : l’éparpillement, avec une multitude de lignes. Un portefeuille doit avoir une cohérence et faire l’objet d’un réexamen d’ensemble périodique. Il faut savoir faire du nettoyage. Pourquoi ?

La première raison tient aux droits de garde. Tous les ans, votre intermédiaire financier (sauf les courtiers en ligne) prélève des droits de garde sur votre portefeuille. L’importance de ces droits et leur mode de calcul diffèrent d’un établissement à l’autre, mais deux éléments sont généralement pris en compte : la taille du portefeuille et le nombre de lignes. Chez le même intermédiaire, deux portefeuilles de taille identique feront l’objet de frais de garde très différents si l’un est bien construit, assez resserré autour d’un nombre limité de titres, et l’autre très dispersé avec un nombre élevé de lignes. Comme ces frais peuvent atteindre près de 1% de la valeur totale du portefeuille dans les établissements les plus chers, cela mérite d’être regardé de plus près.

Deuxièmement, les hausses enregistrées sur certaines valeurs seront peu profitables si celles-ci sont trop diluées dans l’ensemble du portefeuille. Il faut faire des choix, les assumer et essayer d’en tirer le meilleur parti.

Exemple des questions à se poser : est-il vraiment nécessaire de détenir des valeurs représentant l’ensemble des secteurs d’activité ? Si l’on mise sur un secteur, est-il nécessaire d’avoir quatre ou cinq valeurs de ce secteur ? Ne faut-il pas plutôt concentrer son effort sur une ou deux valeurs particulièrement bien placées ? Si l’on croit au retour en forme de l’automobile, par exemple, faut-il acheter à la fois PSA et Renault ou ne faut-il pas plutôt choisir celui qui paraît le plus apte à profiter du rebond et placer une autre partie de ses liquidités soit sur un constructeur d’un autre pays, soit sur un équipementier ? Un portefeuille n’est pas un catalogue de valeurs !

Ne pas croire qu’on peut acheter au plus bas et vendre au plus haut

Garder ses titres en espérant que de nouveaux sommets seront atteints peut conduire à devoir les céder en catastrophe au moment où ils retomberont lourdement. En sens inverse, se précipiter pour acheter une valeur qui a beaucoup baissé peut conduire à revenir trop tôt sur le marché et à subir des pertes significatives. On ne peut jamais savoir sur le moment si l’on est au plus haut ou au plus bas. On ne le sait qu’après et, alors, il est trop tard.

Si, vraiment, on hésite à prendre une décision définitive, il vaut mieux procéder à des achats ou à des ventes partiels, puis compléter sa ligne ou la solder quand d’y voir plus clair.

Savoir prendre son bénéfice

On rejoint là l’idée précédente. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le plus difficile en Bourse n’est pas d’acheter mais de vendre. Des valeurs qui méritent d’entrer en portefeuille, on en trouve toujours dans les périodes favorables. Et quand la Bourse est médiocre, que l’on n’a pas d’idée forte d’investissement, il vaut mieux s’abstenir et garder ses liquidités pour des jours meilleurs. Ce n’est pas la peine d’essayer d’aller contre le vent.

Les vrais problèmes commencent quand on a acheté. Il n’est pas facile de prendre une décision si le titre baisse ; en général, on tarde trop à admettre qu’on a fait une erreur. Mais il est encore plus difficile de prendre une décision quand les titres achetés enregistrent assez vite une hausse conséquente. Que faire ? Vendre tout et prendre son bénéfice, en vendre une partie, tout garder en espérant que ça va continuer à monter ?

Tout dépend du contexte boursier, du potentiel de hausse de la valeur considérée et de votre tempérament. En somme, il n’y a pas une seule réponse possible valable universellement (sinon il n’y aurait plus de marché, tout le monde voudrait acheter ou vendre en même temps), il faut raisonner au cas par cas. Vendre ou ne pas vendre ? Le jour où vous arriverez à trancher dans le vif sans avoir trop d’états d’âme, vous serez devenu un vrai boursier.

Savoir prendre son bénéfice ne signifie pas pour autant qu’il faut s’empresser de vendre dès qu’on a réalisé un gain. Trop souvent on voit des gens qui hésitent à vendre un titre sur lequel ils sont perdants et qui finissent par perdre beaucoup. En revanche, dès qu’ils réalisent un gain modeste, ils s’empressent de le réaliser en vendant leurs titres. En fait, il faut se fixer des règles de gestion qui ne soient pas symétriques. Par exemple, commencer à se poser la question de vendre un titre dès lors qu’on perd 10%, mais ne pas envisager de le vendre tant qu’on n’a pas gagné 15 ou 20% (et bien évidemment le garder même après un gain de 20%, si les perspectives restent favorables).

N’acheter que ce que l’on comprend

Beaucoup d’erreurs pourraient être évitées si les investisseurs ne se laissaient pas convaincre par leur banquier, par leur conseiller ou par un proche de faire des choses qu’ils ne comprennent pas. Dans les années 1990, la fièvre spéculative a poussé de nouveau venus à la Bourse à acheter des actions de sociétés dont ils ne comprenaient pas ce qu’elles faisaient : ils savaient juste que ça avait un rapport avec Internet et les nouvelles technologies de l’information, que ça avait le vent en poupe et que les cours montaient. On a vu le résultat. La conclusion est simple : n’achetez jamais un warrant ou un certificat si vous n’êtes pas tout à fait sûr d’avoir bien compris comment il faut gérer ce type de produit. N’achetez jamais une action si vous ne comprenez pas ce que fait la société concernée. Si vous avez envie de sortir des secteurs traditionnels (distribution, BTP, automobile, etc.), renseignez-vous d’abord sur ces nouveaux métiers, leur rentabilité, leurs perspectives. Ne suivez pas les modes sans savoir ou vous allez.

Se méfier des « tuyaux »

Dans les milieux boursiers ou dans les forums sur Internet circulent beaucoup de prétendues « informations ». Il faut être très vigilant. Certaines rumeurs partent d’un fait réel, d’autres sont complètement infondées. Il est utile de les connaître : elles permettent de comprendre pourquoi un titre décolle ou décroche brusquement sur le marché sans raison apparente. Mais on ne modifie pas sa stratégie d’investissement à partir de simples rumeurs : il faut que d’autres raisons, plus sérieuses, motivent votre achat ou votre vente. Celui qui lance une rumeur n’a généralement d’autre but que de faire bouger le titre dans son propre intérêt, à la hausse ou à la baisse ; ce qui se passera après sera votre problème, si vous l’avez cru.

Dans le même ordre d’idée, méfiez-vous comme de la peste des « conseils » avisés que peut vous donner votre banquier : il se peut qu’il soit sincère, mais il y a de fortes chances qu’il ait été incité à tenir ce discours pour placer sa marchandise.

Savoir que les réussites du passé ne sont pas celles du futur

L’AMF oblige les établissements qui commercialisent les OPCVM à toujours faire figurer la mention : « Les performances passées ne préjugent pas des performances futures ». Ce qui est parfaitement exact. Mais on pourrait étendre ce raisonnement à toutes les formes d’investissement boursier. Regardez les palmarès boursiers d’aujourd’hui et comparez-les à ceux d’il y a dix ans, vingt ans, trente ans. Vous constaterez que des noms prestigieux ont disparu, soit parce que la société a été achetée par une autre, ce qui est le cas le plus courant, soit parce qu’elle a sombré.

C’est ce qui fait l’intérêt de la Bourse. Tout change en permanence et aucune position n’est acquise. Dans le monde des entreprises, il n’y a pas de certitudes. La belle affaire d’hier peut être le désastre de demain. Celui qui a toujours réussi peut commettre des erreurs. Il faut sans cesse se tenir informé des évolutions en cours et agir en conséquence.

Avoir des convictions fortes

S’adapter en permanence au changement ne signifie pas qu’il faille changer d’avis tout le temps. Bien au contraire. Il faut se fixer une ligne de conduite, une stratégie, et s’y tenir. Vous ne devez ignorer ni les mouvements d’humeur du marché ni les opinions et les conseils que vous entendez ; de toute façon, l’évolution des cours vous conduira inévitablement à procéder périodiquement à des arbitrages et à ajuster votre portefeuille. Mais si vous écoutez le dernier qui a parlé, si vous changez de stratégie tous les jours, votre gestion risque fort d’être désordonnée et improductive. L’équilibre n’est pas facile à trouver entre le maintien d’une politique d’investissement trop rigide (qui peut tourner à l’obstination et à l’aveuglement) et une application trop souple de cette politique (qui risque de conduire à des volte-face fréquentes et à une absence de vision à long terme). On ne peut pas aller contre le marché, mais on ne doit pas en suivre tous les revirements. Garder son sang-froid est un impératif absolu en toutes circonstances.

Agir conformément à son tempérament

Il y a mille manières de gérer un portefeuille. Choisissez celle qui convient le mieux à votre tempérament et à votre disponibilité. Vous ne voulez pas avoir à vous encombrer avec ces histoires d’argent tous les jours : choisissez les OPCVM en fonction des objectifs que vous poursuivez et faites le point périodiquement. Vous voulez gérer votre portefeuille vous-même, mais vous ne souhaitez pas y consacrer trop de temps : choisissez des grandes valeurs sur lesquelles vous trouverez des informations facilement et que vous pourrez acheter et vendre sans problème. Vous avez le goût du risque, vous désirez faire fructifier votre capital rapidement et vous êtes prêt à y consacrer du temps tous les jours, voire plusieurs fois par jour : lancez-vous sur le créneau des valeurs moyennes et des produits dérivés ; non seulement vous connaîtrez des émotions fortes, mais vous pouvez obtenir d’excellents résultats.

Et si vos performances ne sont pas fameuses, ayez l’humilité de le reconnaître et changez de méthode. Beaucoup de gens peuvent gérer un portefeuille d’actions eux-mêmes et auraient intérêt à le faire plutôt qu’à confier leur argent à leur banquier, mais chacun d’entre nous ne peut prétendre être un trader de génie. Si vous avez des doutes, si vous n’êtes pas tout à fait sûr de vos connaissances et de votre flair boursier, faites un test : gérez un portefeuille fictif. Faites comme si vous aviez à placer une certaine somme d’argent, achetez, vendez, faites des opérations simples et d’autres plus complexes, voyez ce que cela donne. Si vous le souhaitez, vous pouvez trouver des simulateurs boursiers sur Internet qui vous permettront de faire vos premiers pas sans risques.

Et en conclusion, savoir profiter des circonstances

Sur le marché boursier, le climat change vite. Contrairement à la légende, on n’y gagne pas d’argent en dormant. Il faut rester en permanence aux aguets. Les professionnels ont un avantage sur vous : ils ne font que cela et restent informés minute par minute. Mais vous n’avez pas de contraintes. A la différence d’un gérant de fonds spécialisé sur une zone géographique, un secteur ou un certain type de valeurs, vous n’êtes pas obligé de rester sur un marché qui va mal. A la limite, si l’évolution est défavorable sur l’ensemble des marchés, vous pouvez en sortir et garder vos liquidités en attendant des jours meilleurs. Vous êtes le seul maître de votre action.

Cette liberté, il faut en profiter au maximum. Être investi à 100% quand la tendance est résolument haussière, être plus prudent dans les périodes d’incertitude et totalement ou presque totalement liquide quand les choses tournent mal.

Bonne chance !

L'AUTEUR

Gérard HORNY

Gérard Horny, journaliste spécialisé, a effectué l'essentiel de sa carri...

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